Une maladie rare est une maladie qui, dans le monde, touche moins d’une personne sur 2000. En France, les maladies rares touchent 3 millions de personnes, soit une personne sur vingt. 25 millions en Europe (et surtout des enfants).
On connaît actuellement 6000 à 7000 pathologies rares. Le niveau de connaissance de ces maladies est très variable puisque certaines d’entre elles ne peuvent être encore identifiées par un nom.
(Source : Ministère de la Santé).
Il s’agit de maladies génétiques pour environ 80 % d’entre elles, mais aussi de cancers, de maladies auto-immunes et de maladies infectieuses.
L’Hypophosphatasie, quant à elle, compte parmi les plus rares puisque sa prévalence (nombre de cas) est de 1/100.000 à 1/300.000. Toutes les catégories de population sont concernées, à tous les âges de la vie et sur tous les continents.
La plupart des maladies rares n’ont pas de traitement, mais grâce à la recherche, quelques médicaments arrivent aujourd’hui sur le marché. En effet, sur plus de 700 médicaments « orphelins » en développement en Europe, environ 60 ont obtenu une autorisation de mise sur le marché communautaire européen.
En savoir plus sur les maladies rares :
Alliance Maladies Rares & Fondation Maladies Rares
L’Hypophosphatasie est une maladie génétique très rare due à un déficit ou à l’absence d’activité de l’iso-enzyme phosphatase alcaline créée dans le foie, l’os et le rein. La maladie se traduit, selon les cas : par un défaut de minéralisation osseuse ; par un défaut de minéralisation dentaire ; par une très faible activité de l’enzyme mesurable dans le sang* ; par la présence d’un taux de calcium élevé dans les urines.
* indication d’un taux normal :
Le gène dont les mutations sont responsables de la maladie est le gène de la phosphatase alcaline non tissu-spécifique appelé ALPL localisé sur le bras court du chromosome 1. On a dénombré, à ce jour, plus de 250 mutations différentes répertoriées à travers le monde.
Trois signes communs de la maladie se retrouvent dans la quasi majorité des formes :
A noter qu’il existe également une maladie « miroir » à l’Hypophosphatasie : il s’agit de l’hyperphosphatasie dont les mécanismes restent, pour le moment, encore inexpliqués.
Cette enzyme est une substance capable de favoriser une réaction chimique dans l’organisme qui est indispensable à la minéralisation de l’os.
Ainsi, la présence d’un taux sanguin de phosphatase alcaline plus faible que la norme est un excellent indicateur pour le diagnostic de l’hypophosphatasie.
En 1935, le Dr Bruce Chown décrit une maladie qui attaque les os. Il l’appelle renal rickets, qui signifie rachitisme rénal et en 1948, le Dr John C. Rathburn, pédiatre torontois, donne le nom d’hypophosphatasie à la maladie.
Cette maladie reste difficile à diagnostiquer notamment dans ses formes modérées.
En France, le nombre de cas oscille entre 1/100.000 et 1/300.000 pour les formes sévères.
L’incidence des formes plus modérées est sans doute supérieure.
On connaît actuellement entre 80 et 100 personnes touchées toutes formes confondues (dont 70 pour les formes très sévères).
A noter, l’existence au Canada (région de Winnipeg au Manitoba) d’une importante communauté de mennonites où l’incidence de la maladie est plus élevée que partout ailleurs dans le monde (1 bébé sur 2.500 est touché, principalement par des formes très sévères à sévères).
Cette maladie est transmise par les gènes des parents qui sont « porteurs sains ». Il y a deux modes de transmission :
1/ dans les formes sévères, celui-ci est récessif autosomique (les deux parents sont porteurs sains du gène défectueux). Elles sont diagnostiquées en période prénatale, néonatale ou dans la jeune enfance.
2/ dans les formes modérées, celui-ci est soit récessif, soit dominant (la maladie se transmet de parent à enfant à chaque génération et il suffit d’un seul parent porteur pour la transmettre). Elles apparaissent plus tardivement, dans l’enfance ou plus tard encore, chez l’adulte.
Il convient de noter que l’un des signes révélateurs d’une possible hypophosphatasie (et commun aux différentes formes) est, chez le tout jeune enfant, une perte prématurée des dents de lait sans raison apparente, des anomalies des dents et des tissus de soutien ou chez l’adulte, une perte précoce des dents permanentes.
Pour les formes très sévères (in utero), le diagnostic pourra être établi, par un gynécologue expérimenté, dès le 2e ou 3e trimestre de grossesse, avec l’interprétation de l’échographie. Pour les enfants et les adultes atteints par d’autres formes, celui-ci pourra être établi dès l’examen clinique du patient au sein d’une consultation spécialisée (ex : maladies osseuses constitutionnelles), à partir de la lecture d’une simple radiographie du squelette ou au sein d’une consultation spécialisée dans les affections dentaires (ex : anomalies odontologiques des maladies rares), à partir d’un simple examen de la bouche et des dents.
Très souvent, le diagnostic peut être établi et/ou confirmé à partir d’une simple analyse biologique (taux sanguin de phosphatase alcaline plus faible que la normale*).
* Indication d’un taux normal :
A noter : la baisse du taux des phosphatases alcalines dans le sang n’est pas toujours détectable en une fois. Parfois le recours à plusieurs dosages s’avère nécessaire pour vérifier son taux.
Enfin, si l’hypophosphatasie est suspectée, l’accès à un diagnostic de certitude peut être demandé et consiste en un séquençage du gène défectueux.
Il faut noter que la plupart des maladies ont une grande variabilité d’expression et que le tableau clinique de chaque malade est unique. On distingue six formes cliniques en fonction de l’âge d’apparition des symptômes :
La forme périnatale ou néonatale est la plus sévère et se traduit, in utero ou à la naissance, par une quasi absence d’os (par exemple, il n’est pas rare de constater l’absence totale de cage thoracique, parfois des crises d’épilepsie ou des malformations du squelette souvent incompatibles avec la survie).
La forme prénatale bénigne est une forme détectable par ses symptômes osseux dans la période prénatale, mais dont l’évolution est particulièrement favorable.
La forme infantile apparaît vers l’âge de six mois et se traduit par des malformations osseuses et un rachitisme important. Elle peut inclure des complications respiratoires et une craniosténose prématurée.
La forme juvénile apparaît dans la petite enfance et est très diverse. Les malformations osseuses peuvent être mineures et la maladie peut se traduire uniquement par une chute prématurée des dents de lait à laquelle s’ajoutent parfois un rachitisme modéré ou des troubles de la marche.
Les formes adulte et odontologique : la maladie se déclare tard et se traduit par la chute prématurée des dents permanentes (forme odontologique) associée ou non à des fractures multiples (hypophosphatasie adulte).
S’agissant de la présence de symptômes dentaires :
Les répercussions bucco-dentaires de l’hypophosphatasie sont présentes dans toutes les formes de la maladie : perte prématurée des dents de lait dans les formes infantile et juvénile, perte précoce des dents permanentes et parodontopathies dans la forme adulte et dans l’odontohypophosphatasie.
Pourquoi ?
La phosphatase alcaline est retrouvée dans les principales cellules impliquées dans la minéralisation dentaire. La dent est ancrée dans l’os alvéolaire grâce à un ligament et à un tissu spécifique : le cément. Chez les malades, le cément est d’épaisseur très réduite, voire absent. En outre, l’os alvéolaire se résorbe. L’association de l’absence de cément et de la perte d’os alvéolaire explique que le ligament ne puisse plus jouer correctement son rôle d’attache des dents à l’os. Ainsi, les dents sont perdues rapidement.
S’agissant de la présence de symptômes osseux :
Des formes très sévères aux formes plus modérées, de nombreux symptômes osseux sont constatés et toujours exprimés de façon très variable, selon le mode de transmission, la mutation génétique en cause, l’âge de survenue. Parmi ceux-ci, les plus fréquents sont :
Pourquoi ?
Dans les ostéoblastes (cellules jeunes qui permettent la formation de la trame osseuse) et les chondroblastes (cellules du cartilage à laquelle se substituent les ostéoblastes lors de l’ossification) des os à croissance rapide existent des vésicules de calcification, c’est-à-dire de minuscules protubérances des membranes plasmiques qui contiennent de la phosphatase alcaline. Celles-ci se détachent de la cellule et vont dans la matrice osseuse. Dans la matrice, il y a des dépôts de sels de calcium ; les cristaux s’agglutinent de telle sorte qu’il n’y a pas de fracture quand l’os subit des contraintes. Ainsi, la phosphatase alcaline est absolument indispensable à la minéralisation des os. Un déficit de cette enzyme entraîne de fait de graves perturbations dans le processus d’ossification.
S’agissant de la présence de troubles du métabolisme :
Dans les formes sévères d’hypophosphatasie qui se manifestent dès la naissance ou chez les enfants les plus jeunes, le calcium ne se fixe absolument pas sur l’os, ce qui donne d’une part un os déminéralisé et d’autre part, des taux de calcium sanguin trop élevés, calcium qui peut alors passer dans les urines et, même parfois, dans les cas extrêmes, abîmer les reins.
Au-delà de ces formes très exceptionnelles, l’atteinte osseuse de l’hypophosphatasie nécessite une attention particulière, variable selon les âges. Ainsi, les apports en calcium et en vitamine D jouent un rôle majeur pour limiter au maximum la perte osseuse.
Pourquoi ?
Structure vivante, notre squelette se renouvelle chaque année de 10 %. Ce « remodelage osseux » est indispensable au maintien des fonctions mécaniques et métaboliques de notre charpente. Au cœur de ce processus, on trouve deux types de cellules : les cellules appelées « ostéoclastes » chargées de détruire l’os ancien en y creusant des trous (résorption) ; les cellules appelées « ostéoblastes » chargées de fabriquer l’os nouveau en partie grâce au calcium en comblant les trous (formation) « creusés » par les ostéoclastes. Si un déséquilibre apparaît entre ces deux phénomènes, les os peuvent devenir fragiles.
Ainsi chez l’enfant atteint d’hypophosphatasie (le fait de ne pas avoir de phosphatase alcaline empêche le calcium de se fixer dans la matrice osseuse), il y a un problème dans la minéralisation osseuse (donc, dans la fabrication de l’os) avec une ostéoporose (maladie diffuse du squelette caractérisée par une masse osseuse faible et des altérations du tissu osseux entraînant une augmentation de la fragilité des os et la susceptibilité aux fractures) qui va s’installer et qui peut devenir importante.
S’agissant de la présence de douleurs aigües :
La douleur est l’une des caractéristiques symptomatiques de l’hypophosphatasie, même si chaque patient est unique et différent, comme est différente sa capacité à faire face à celle-ci.
Pourquoi ?
Les douleurs osseuses sont extrêmement difficiles à contrôler, quelles qu’elles soient, parce qu’il ne s’agit pas d’une douleur inflammatoire.
S’agissant de la présence d’une craniosténose (ou craniosynostose) :
Une craniosténose (déformation crânienne ou crânio-faciale) peut être découverte à n’importe quel âge et dans n’importe quelles circonstances. Dans la grande majorité des cas, la déformation est visible dès la naissance et le diagnostic peut donc être porté très tôt, sur la simple observation de la morphologie crânio-faciale. Les radiographies du crâne confirment le diagnostic, et peuvent montrer des traces d’une hypertension intracrânienne.
La prévalence des craniosténoses est estimée à environ 1 pour 2 000 naissances.
Pourquoi ?
Les craniosténoses sont liées à la fusion prématurée d’une ou plusieurs sutures crâniennes. Elles peuvent s’associer à des anomalies de croissance du squelette facial. La fusion d’une ou plusieurs sutures crâniennes a pour conséquence une déformation du crâne et peut être responsable d’un conflit de croissance entre crâne et encéphale dont il résulte parfois une hypertension intracrânienne (augmentation de la pression à l’intérieur du crâne) chronique. Ce conflit peut laisser des séquelles visuelles et mentales. Ces troubles ne s’observent pas avec la même fréquence dans les différents types de craniosténoses, mais aucune n’en est totalement exempte.
Voir une vidéo concernant la craniosténose
Autres signes susceptibles d’être constatés :
Le diagnostic prénatal permet de dépister des maladies graves et incurables dont souffre le bébé, pouvant à brève échéance, entraîner la mort de ce dernier. Il comporte l’échographie du fœtus, l’établissement de son caryotype (examen du nombre et de la forme des chromosomes), la recherche des gènes de maladies génétiques présentes dans la famille.
Pour l’hypophosphatasie, ce diagnostic prénatal est possible pour les couples ayant déjà eu un enfant atteint d’une forme sévère de la maladie. L’examen se fait autour de la 11e ou 12e semaine de grossesse. Le résultat est connu sous une semaine.
Pour un couple n’ayant pas d’antécédents d’hypophosphatasie, l’attente du résultat est souvent plus longue car il faut étudier la totalité du gène.
Seule la personne concernée peut décider d’avoir recours ou pas au conseil génétique, cette démarche étant susceptible d’impliquer d’autres membres de sa famille (ascendants, descendants, fratrie etc.).
Au cours d’une consultation conduite par un généticien, le patient est informé de la nature de l’affection héréditaire dont il est atteint, de son pronostic, des possibilités thérapeutiques, du risque qu’il aurait de la transmettre à d’éventuels enfants et des modalités de prévention.
Pour l’hypophosphatasie, le conseil génétique est parfois difficile à réaliser (2 modes de transmission, existence de formes prénatales bénignes atypiques et parfois peu de symptômes évidents). Une fois le diagnostic confirmé, il est recommandé d’avoir accès à un généticien afin d’être informé sur tous les aspects que recouvre cette pathologie et la diversité de sa prise en charge.