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LA METHODE NoTube©

En septembre 2017, un jeune enfant de 2 ans (atteint d’une forme très sévère d’hypophosphatasie et adhérent de l’association) a expérimenté la méthode NoTube© mise au point par le Pr Marguerite Dunitz-Scheer et dispensée à Graz, en Autriche.

Hypophosphatasie Europe a voulu en savoir plus sur cette méthode destinée à sevrer les enfants de la sonde entérale et à les conduire sur le chemin de leur autonomie alimentaire.
Pour ce faire, le Pr Dunitz-Scheer a bien voulu jouer le jeu de l’interview, avec l’aimable complicité de Valérie Sulzer, membre de l’équipe NoTube©* !

 

Qui est Marguerite Dunitz-Scheer ?

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Pr Marguerite DUNITZ-SCHEER

Le Pr Dunitz-Scheer a étudié la médecine à Zürich (Suisse) et à Graz (Autriche). Jusqu’à sa retraite en 2007, elle a dirigé avec le Pr Peter Scheer (son mari pédiatre) le service psychosomatique de l’Hôpital Universitaire Pédiatrique de Graz, en accordant une attention particulière aux troubles du comportement alimentaire et à la dépendance à la sonde entérale chez les enfants.

Fin 2009 / 2010, elle créé à l’extérieur de l’hôpital universitaire – avec une équipe qu’elle a spécialement formée – le Centre thérapeutique interdisciplinaire pour le traitement des troubles alimentaires (organisation à but non lucratif) au sein duquel la méthode NoTube© est dispensée.

À ce jour, le Pr Dunitz-Scheer est toujours, au sein des programmes de stages d’alimentation, la responsable du service « Encadrement et conseils médicaux ».

À plusieurs reprises, elle a publié des articles dans les revues médicales les plus renommées.


HE : Dans quel contexte avez-vous été amenée à inventer et à mettre en place la méthode NoTube© ?

MDS : Ce sujet du devenir des enfants nourris par sonde entérale m’intéressait déjà il y a plus de 30 ans. La méthode NoTube© de sevrage des enfants alimentés par sonde a été fondée et expérimentée par mon mari et moi, puis développée en commun avec mon équipe dans le contexte clinique du service dans lequel je travaillais il y a 25 ans. Avec le temps, je me suis de plus en plus spécialisée sur cette question et je pense avoir sevré à la date d’aujourd’hui plus de 4.000 enfants !

HE : Qui sont les enfants qui, jusqu’alors, ont été pris en charge ? 

Nous traitons les enfants atteints de diagnostics ou de syndromes très différents, souvent fragilisés ou freinés dans leur développement alimentaire du fait des contraintes et conséquences de leur pathologie.
Certains sont de grands prématurés, d’autres ont fait l’objet d’un traitement médical intensif en raison de maladies dites « incurables » (ex : cancers de l’enfant, greffes d’organes) ou « génétiques rares » (ex : hypophosphatasie), ou encore sont porteurs de maladies métaboliques ou de malformations congénitales qui ne leur permettent pas de s’alimenter correctement (ex : atteinte cardiaque, atrésie de l’œsophage, hernie diaphragmatique…).Tous ont pour point commun d’être alimentés, depuis plusieurs mois voire des années, par une sonde de nutrition entérale qui les rend dépendants de ce type d’alimentation et bien souvent les isole de leur environnement.
Nous sommes aussi amenés à traiter des enfants non sondés ayant un comportement alimentaire hautement sélectif ou qui ne se comportent pas comme prévu dans leur développement alimentaire (appelés aussi « picky eaters »), du fait de troubles autistiques, psychologiques ou sensoriels. Je pense, par exemple, à ces enfants qui ne peuvent manger que des pâtes, que des aliments d’une certaine couleur, d’une certaine consistance ou seulement liquides ou encore qui ne peuvent supporter que, dans leur assiette, les légumes touchent la viande !

Nous ne traitons pas les enfants ayant un risque élevé de faire des fausses routes.

HE : En quoi consiste votre méthode ?

MDS : Difficile à dire en quelques mots, car il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas. Au cours des deux dernières décennies, nous avons identifié deux objectifs essentiels aux traitements.

Premièrement, par le biais d’une approche somatique : il s’agit de donner à l’enfant la possibilité de ressentir la faim, un sentiment qu’il ne peut éprouver dans sa tête ni ressentir dans son corps dès lors qu’il est « gavé » sans même qu’il le demande et parfois au-delà de ses besoins. L’idée est donc de diminuer progressivement les quantités ingérées par sonde tout en garantissant l’équilibre nutritif afin, qu’à un moment donné, l’enfant ressente physiquement et psychiquement la faim et devienne demandeur dans l’acte de manger.

Deuxièmement, par le biais d’une approche psychologique : il s’agit là de promouvoir l’autonomie orale et globale de l’enfant. Par la force des choses, l’enfant nourri par sonde est lourdement dépendant d’un tiers et impose souvent la présence continue d’un membre de sa famille à ses côtés (notamment en cas de vomissements répétitifs). Le développement de l’autonomie et le développement psychomoteur de l’enfant sont limités par la nutrition contrôlée de l’extérieur, qui ne correspond pas au biorythme de l’enfant ou à la sensation de faim et qui peut entraîner des effets secondaires tels que des vomissements.

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L’équipe NoTube©

Nous nous attachons donc, par de petits gestes du quotidien (par exemple : proposer d’aller chercher un mouchoir, de choisir un yaourt, d’enlever ou de mettre ses baskets…) à montrer à l’enfant et à ses parents qu’une prise d’autonomie progressive est possible et que les compétences sont là pour y parvenir.
Par l’écoute, par un accompagnement bienveillant et par une démonstration par l’exemple, nous aidons les parents à comprendre les enjeux d’une autonomie retrouvée pour leur enfant.

En plus des thérapies, les enfants sont vus obligatoirement quotidiennement au cours d’une visite psycho-médicale.

La méthode NoTube© peut être mise en œuvre de deux façons :

Soit dans le cadre d’un stage d’alimentation d’une durée de 3 semaines (1 effectuée à distance, 2 effectuées in situ à Graz). Pendant ce stage, des pique-niques « ludiques » sont organisés 3 fois par jour. Il s’agit de réunir, le temps d’un repas, parents, professionnels et enfants autour d’une variété de nourriture choisie (salée, sucrée, chaude, froide…), pour permettre à l’enfant de la découvrir sans frein (odeurs, textures, goûts…) et de jouer avec. Avec les parents de l’enfant présents mais en retrait, c’est l’ensemble du groupe qui prend le relais, ce qui permet souvent des interactions et des avancées inattendues. Sont également prévus un accompagnement jusqu’au dernier gavage, plus 35 jours. Ce suivi peut aller jusqu’à 6 mois si cela s’avère nécessaire.
Soit dans le cadre d’un accompagnement via Internet pour les familles les plus éloignées (la durée dépend des avancées de l’enfant et peut aller jusqu’à 6 mois).

HE : En quoi cette méthode NoTube© est-elle innovante et efficace ?

MDS : D’une part, elle est innovante car il y a 30 ans, aucune autre alternative à la sonde n’existait. Les professionnels de santé nourrissaient les enfants par sonde sans se préoccuper de leur devenir. Or, on sait bien que si l’enfant n’apprend pas, à un moment donné, à comprendre et à expérimenter l’acte de manger (mettre dans sa bouche, mâcher, saliver, avaler, digérer, ressentir la faim et la satiété…), il ne pourra jamais être nourri normalement.

D’autre part, elle est efficace (+ de 90 % de résultats satisfaisants en net-coaching, près de 90% in situ) pour plusieurs raisons :

1/ Nous avons la chance d’avoir à notre actif une expérience clinique riche et particulièrement diversifiée. Là où la plupart des équipes dans le monde sevrent quelques enfants par an, nous en sevrons entre 180 et 200.

2/ Notre accompagnement est strictement personnalisé à la situation de l’enfant (son âge, son diagnostic, son vécu médical, son contexte familial et environnemental, ses difficultés, ses possibilités…) et dans la perspective de son seul intérêt (lui redonner confiance, lui laisser le temps et le rassurer).

Avant toute admission à l’un de nos stages ou accompagnement via Internet, un important travail de questionnement et de visualisation (il s’agit de voir par le biais de vidéos comment l’enfant boit, mange, joue) est effectué par notre équipe afin d’identifier le traitement et les exercices les plus adaptés. Mais rien n’est figé… Tout est adaptable dès lors que tous les jours nous établissons le contact avec la famille pour savoir comment s’est passée la journée.

3/ Nous évoluons dans un environnement qui n’est pas hospitalier : nos stages se déroulent dans un appartement spécialement aménagé et adapté, chaleureux et convivial. Les enfants et les parents s’y sentent bien et sont rassurés car ils ne ressentent pas le stress lié à l’hôpital, le poids d’une relation dominant/dominé, ni l’odeur et la froideur de soins aseptisés. Ici l’équipe pluridisciplinaire est à leur entière disposition, dans une écoute et une relation bienveillante de proximité. Ils ne sont ni des clients, ni des patients, mais des partenaires avec lesquels nous travaillons tous ensemble et dans le respect de leurs individualités.

4/ Notre équipe composée des différentes disciplines est particulièrement professionnelle et a été formée par mes soins, et sur le terrain. Car la théorie est nécessaire mais la mise en pratique (avec ses réussites et parfois ses échecs) est cent fois plus formatrice. Nous communiquons régulièrement sur notre pratique, soit entre nous au cours de la journée ou dans le cadre de réunions d’équipe, soit lors de conférences dédiées. Et nous faisons en sorte de continuer à nous former tout au long de notre carrière.

5/ Nous utilisons les moyens de communication actuels pour limiter le temps d’attente permettant d’accéder à la méthode. Notre coaching via Internet est de ce point de vue particulièrement opérationnel, innovant et apprécié.

6/ Lors d’une thérapie engagée, nous restons disponibles pour répondre (via leur accès privé sur la plateforme de coaching) aux angoisses et préoccupations des parents confrontés à la mise en pratique de la méthode. Dans cette période pas toujours facile, il est important de les aider à décharger leurs émotions. Si la réponse n’est pas simultanée, nous avons toujours un professionnel présent qui peut répondre dans un laps de temps très court, y compris durant les week-ends ou les vacances.

HE : Quelle est la formation des professionnels de santé qui encadrent ces stages ? 

MDS : Les membres de notre équipe spécialisée sont tous titulaires d’un diplôme d’État lié à leur discipline. Elle se compose de pédiatres, de psychologues, d’une kinésithérapeute, d’une ergothérapeute, de psychothérapeutes, d’un orthophoniste et d’une éducatrice. Au-delà, ils ont tous été formés par mes soins sur les aspects liés à la nutrition par sonde et aux comportements alimentaires. Par ailleurs, au cours de leur parcours, ils continuent de se former aux problématiques qui les intéressent ou auxquelles ils peuvent être confrontés dans notre établissement (ex : maladies rares).

HE : Par qui les familles concernées vous sont-elles adressées ?

MDS : Les familles nous sont adressées soit par le pédiatre ou le spécialiste qui suit leur enfant ou bien elles prennent contact directement avec nous.

Depuis quelques années, nous organisons en Autriche, mais aussi en France, en Suisse ou dans d’autres pays européens, des journées d’information et de découverte (sans visée thérapeutique) au cours desquelles nous organisons des rendez-vous individuels de 30 mn afin d’échanger avec des parents soucieux de trouver une solution, nous présentons la méthode NoTube© en présence d’un traducteur et de parents-témoins ayant vécu l’expérience, puis nous déjeunons tous ensemble sous la forme d’un pique-nique ludique.
Ce premier contact « en vrai » mené dans une atmosphère à la fois confidentielle et conviviale permet souvent aux parents hésitants de « sauter le pas » !

HE : La méthode NoTube© permet une prise en charge globale (enfant, parents).
Pourquoi ? Comment ?

MDS : La dépendance à la sonde touche toujours toute la famille. Souvent la maman doit abandonner son travail afin de s’occuper de son enfant qui ne peut être accepté dans une structure d’accueil. Les frères et sœurs sont aussi souvent des « victimes » collatérales car si l’enfant sondé vomit plusieurs fois par jour, les sorties de l’après-midi sont impossibles par exemple. Les rythmes des repas sont réglés par la machine de l’enfant sondé.

Il est important que l’enfant jusqu’alors sondé (et dépendant de tous) puisse, à terme, trouver sa place normale dans sa famille et permettre aussi à celle-ci de s’organiser normalement. A l’expérience, nous constatons que certains parents – souvent enfermés depuis plusieurs mois dans un stress constant lié à la nourriture et dans un rôle surprotecteur vis-à-vis de leur enfant – ont parfois bien du mal à lâcher-prise (ce qui est légitime), d’où la nécessité de les accompagner dans cette démarche d’autonomie.

C’est donc avec une écoute, une attention personnalisée – voire si nécessaire un soutien psychologique plus rapproché – que nous amenons les parents à prendre doucement conscience du potentiel psychomoteur de leur enfant (qui à la maison reste parfois attaché pendant des heures pour maintenir la sonde en place), à le laisser évoluer en liberté, à accepter l’idée de jouer ou de gâcher la nourriture, à dédramatiser les vomissements, les situations de blocage ou de rejet.

HE : Un stage NoTube©, combien ça coûte ? 

MDS : Un stage de sevrage à la sonde et d’alimentation orale coûte 8.320 €**. Sont compris dans cette somme : l’ouverture du « ticket de communication » avec l’équipe une semaine avant le début du stage, les deux semaines de thérapie intensive sur site, les repas pour toute la famille, l’accompagnement jusqu’au dernier gavage, plus 35 jours. Le suivi peut aller jusqu’à 6 mois si cela s’avère nécessaire

Il faut savoir que le stage dans notre centre offre de nombreux avantages par rapport à un séjour à l’hôpital (soins individualisés, attention personnalisée vis-à-vis de l’enfant et de ses parents, protection vis-à-vis du risque possible d’infection). Le caractère familial du centre permet aussi d’éviter la reconduction de traumatismes liés aux hospitalisations

L’accompagnement via Internet (que nous appelons net-coaching) coûte lui 4.240 €. Il est quotidien et se poursuit autant que nécessaire et tant que l’enfant est en thérapie.

Ce coût peut paraître important, mais si on le rapporte au coût de l’alimentation par sonde entérale (entre 600 € et 1.100 € /mois souvent pendant plusieurs années) ainsi qu’au coût supplémentaire inhérent aux hospitalisations qui s’y rapportent (2 fois par an), totalement pris en charge par les structures de Sécurité Sociale, on est loin du compte ! Même si certains pays (dont la France) n’ont pas encore fait le choix de rembourser totalement nos stages, petit à petit les choses progressent.

Mais, à l’expérience, nous pouvons affirmer qu’en restant à la maison pendant le net-coaching ou en fréquentant un stage d’alimentation, l’enfant rencontre de meilleures conditions et a donc une plus grande chance de réussir la prochaine étape de son développement alimentaire (ex : se sevrer de la sonde pour accéder au biberon / passer du biberon à la bouillie / passer de la purée aux morceaux) que dans un milieu hospitalier traditionnel même spécialisé dans les maladies graves.

HE : Quelles démarches doit effectuer une famille pour participer à l’un de vos stages ? 

MDS : Les familles doivent effectuer un pré-diagnostic en répondant via notre site Internet à un questionnaire médical détaillé, en téléchargeant les bilans médicaux de l’enfant ainsi que différentes vidéos. Elles ont la possibilité de convenir d’un rendez-vous téléphonique avec un membre de notre équipe pour être écoutées et informées individuellement en fonction de la situation spécifique de leur enfant.

HE : Essaimez-vous cette méthode dans d’autres pays en formant d’autres professionnels de santé ? 

MDS : La mise en œuvre de la méthode NoTube© est expérimentée depuis de nombreuses années dans divers hôpitaux de nombreux pays, mais les possibilités sont extrêmement limitées en raison des conditions régionales, administratives et structurelles. En Autriche, pendant chaque stage, un stagiaire (parfois 2) de la Faculté de médecine ou de psychologie vient compléter notre équipe et nous organisons aussi des journées professionnelles. En France, nous commençons à organiser des conférences pour les professionnels (en 2017, à Toulouse et Nice ; en 2018 à Lyon) qui peuvent ainsi informer les familles de notre existence.

(*) NDLR : Valérie Sulzer est conseillère psychologique et sociale et éducatrice de jeunes enfants. Elle est responsable de l’organisation des stages d’alimentation, de l’accompagnement des familles francophones et de la coordination des relations publiques de NoTube©.

(**) NDLR : Sur décision du C.A. de l’association, le prix du séjour du jeune enfant HPP a été pris en charge à 75 % par l’association, ce qui est un engagement exceptionnellement conséquent.

 

En savoir plus :

Site NoTube© : www.notube.com/fr

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Contact : valerie.sulzer@notube.com

Accès à la vidéo de présentation (en anglais) : https://www.facebook.com/notubemed/videos/277710596163721/

Accès aux ebooks (en français) : https://notube.com/fr/nos-e-books
Diaporama « La méthode de sevrage selon le modèle de Graz »

Lire un témoignage sur la méthode NoTube©

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